Il s’agit de liens de dépendance pouvant être définis par l’ensemble des obligations qui unissent un homme libre, que l’on désigne par le terme de vassal ou d’homme – en référence à l’hommage rendu –, à un seigneur plus puissant que lui, alors appelé suzerain.

 

Exemple d’une promesse d’hommage vassalique jurée le 8 septembre 1254 par Géraud VI, comte d’Armagnac et de Fezensac, au roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine Henri III (RG, I – suppléments – no 4299).
Noverint universi quod ego Giraldus de Armaniaco, comes Armaniaci et Fesenciaci, promisi Henrico, regi Anglie, quod ad probandum homanagium quod fecit Giraldus de Armaniaco, quondam patruus meus, bone memorie domino Johanni, quondam patri dicti Henrici, regis Anglie, inquiram et referam fideliter per litteram meam patentem, sigillatam sigillo meo, omnem quam bono modo potero veritatem ; et hoc promisi eidem, in fidelitate qua sibi teneor, fideliter me facturum. Datum apud Burdegalam, anno Domini Mo CCo quinquagesimo quarto, in octabis Natalis Beate Marie Virginis.      Sachent tous que moi Géraud d’Armagnac, comte d’Armagnac et de Fezensac, promet à Henri, roi d’Angleterre, de prouver l’hommage qu’avait fait de bonne mémoire Géraud d’Armagnac, jadis mon père, au seigneur Jean, jadis père dudit Henri, roi d’Angleterre, de rechercher et restaurer fidèlement par ma lettre patente, scellée de mon sceau, toute la vérité qu’il me sera possible de faire de bonne façon ; et je promets de faire de même, en vertu de la fidélité par quoi je lui suis tenu. Donné à Bordeaux, en l’an du Seigneur 1254, à l’octave de la Naissance de la Bienheureuse Vierge Marie.

 

 

 

Le contrat est conclu lors d’une cérémonie durant laquelle le vassal prête hommage et jure fidélité en retour de quoi le suzerain assure sa protection. Les principaux devoirs du vassal se résument à l’aide, en particulier militaire, et au conseil auprès de son suzerain. D’autres services appartenant au registre de la déférence peuvent s’ajouter comme l’escorte ou le gîte (albergue). La matérialisation du lien de dépendance est symbolisée par l’octroi ou par la confirmation d’un fief au vassal : une terre, une seigneurie, des droits divers (justice, péage, revenus fiscaux etc.) ou un autre type de bien (rente, offices publics etc.).

 
   FIG11
Hommage vassalique pour le duché d’Aquitaine du roi d’Angleterre Édouard III (à gauche) au roi de France Philippe VI (à droite) en 1329. Bibliothèque nationale de France, Grandes chroniques de France, Français 2813, folio 357v, XIVe siècle.

Les successions dans les familles seigneuriales comme la résolution de conflits donnent aux suzerains l’occasion de renouer des liens qui ont tendance à se distendre, surtout lorsqu’un vassal dispose de plusieurs seigneurs. Cela permet de mettre au goût du jour des pratiques sociales qui, en Gascogne, sont longtemps restées limitées à des relations de fidélité dénuées d’engagement vassalique.
Les Rôles gascons nous fournissent quelques exemples de ces serments dont celui de Géraud VI d’Armagnac qui, comme promis quelques jours plus tôt, prête hommage au roi-duc Henri III le 15 septembre 1254 (RG, I – supplément –, no 4300). Le texte, assez long, détaille les liens vassaliques unissant désormais les deux seigneurs. Tout d’abord, Géraud fait serment d’hommage pour ses comtés d’Armagnac et Fezensac qui représentent le fief, engageant aussi ses successeurs et héritiers. Ensuite, l’ensemble des communautés, hommes et chevaliers se trouvant sous la juridiction du comte d’Armagnac jurent à leur tour de respecter l’hommage. Pour s’assurer de cette fidélité, le roi-duc s’octroie la garde de la forteresse de Lavardens pour une durée de cinq ans. Enfin, Henri III promet d’aider et de défendre Géraud, son homme-lige.


Les relations féodo-vassaliques concernent essentiellement le groupe nobiliaire mais des bourgeois et des paysans peuvent y être impliqués soit parce que leurs tenures (terres exploitées par un tenancier) sont considérées comme des fiefs, soit parce que les possessions qu’ils baillent à des tenanciers (exploitant d’une terre soumise à une redevance annuelle) le sont également. Dominant le nord de la France dès la seconde moitié du Xe siècle grâce au recul de l’autorité publique, ce système socio-politique très ancien gagne progressivement le Sud-Ouest à la faveur de sa grande popularité. La culture courtoise témoigne bien de ce succès puisque les thèmes de la dépendance, de la fidélité ou de l’hommage y sont omniprésents. Son fonctionnement est néanmoins fortement altéré aux XIVe et XVe siècles. La période correspond à une reprise de contrôle du territoire par la royauté et à l’abandon progressif des obligations vassaliques traditionnelles (un service militaire contre l’octroi d’un fief) au profit de versements de pensions, de recrutements militaires contractuels et d’alliances diverses. L’accord conclu le 8 mai 1338 entre le sire d’Albret, Bernard Etz V, et le roi-duc Édouard III est un très bon exemple de cette évolution.

Alors que la guerre de Cent Ans a débuté quelques mois auparavant, Édouard III (1327-1377) cherche à s’assurer l’alliance des grands seigneurs gascons comme le sire d’Albret (jouxtant le nord de la vicomté de Marsan et s’étendant jusqu’au Bazadais et au Néracais, les possessions du sire d’Albret en font le premier vassal du duché). Pour ce faire, le roi d’Angleterre est contraint d’acheter la fidélité de ce dernier au prix considérable de 6  000 livres sterling. Le texte précise que la somme doit compenser par avance les pertes que Bernard Etz V pourrait subir durant le conflit franco-anglais. L’argent est à prélever sur les seigneuries de Saint-Macaire, Dax et Saint-Sever dont le roi-duc fait provisoirement don au sire d’Albret. Si les revenus de ces terres s’avèrent insuffisants, Édouard III promet de donner d’autres biens, gascons ou anglais. De plus, Bernard Etz V est protégé de toute sanction en cas de paix avec le roi de France et ses hommes se voient offrir une compensation pour les dommages et pertes qu’ils auraient à subir en combattant dans l’armée du roi d’Angleterre. D’autres règlements en faveur de l’épouse du sire d’Albret sont enfin ajoutés (C 61/50, 12, membrane 3, 139).

Les concessions pour obtenir l’hommage vassalique et l’aide militaire de Bernard Etz V s’avèrent considérables pour Édouard III. Cet exemple montre que dans la Gascogne du XIVe siècle, la fidélité du vassal n’est plus assurée par le serment d’hommage mais par une rétribution. Nous ne sommes plus là en présence d’un simple lien de dépendance féodal mais d’un véritable contrat offrant rémunération et récompense. Le seigneur considéré comme le plus puissant, le roi-duc, n’est plus en position d’imposer sa domination à des vassaux au pouvoir non négligeable mais doit négocier leur obéissance.