Loin d’être recouvert de vignes, le paysage gascon se caractérise par de vastes ensembles forestiers et marécageux encore largement majoritaires à la fin du Moyen Âge. Seuls les Bordelais pratiquent la monoculture viticole sur un rayon d’environ cinq kilomètres autour de leur cité. Les vignes se concentrent autour des villes et dans les vallées des grands axes fluviaux, au-delà même des limites du duché d’Aquitaine pour atteindre Bergerac, Cahors ou Gaillac dont les vins sont exportés par la Gironde. 

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Scène de taille de la vigne en Gascogne. Marginalia d'un registre de l'Échiquier d'Angleterre, British Library, E 36-275, folio 181, 1292-1305. Photo Guilhem Pépin, avec l'autorisation de la British Library. 
 
Le « claret » ou « clairet » (« vinum clarum » en latin et « vin clar » en gascon) représente l’écrasante majorité de la production vinicole de Gascogne. Il est le vin le plus prisé, le plus consommé et le plus exporté. Comme son nom l’indique il s’agit d’un vin de couleur claire, élaboré à partir de raisins noirs et blancs foulés aux pieds, à fermentation courte (pas plus de six jours) et devant être consommé rapidement sous peine de virer aigre. Les vins blancs (C61/42, 2, membrane 8d, 45 : mention d’un chargement de 26 tonneaux de vin blanc) sont quant à eux vinifiés à l’aide d’un pressoir à vis. Ceux de Saint-Émilion sont alors particulièrement réputés.  
 
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Scène de vendange en Gascogne (portage et foulage des grappes à côté d'une barrique). Marginalia d'un registre de l'Échiquier d'Angleterre, British Library, E 36-275, folio 181, 1292-1305. Photo Guilhem Pépin, avec l'autorisation de la British Library. 
  Les travaux de la vigne sont perturbés par l’insécurité, chronique en temps de guerre. C’est ainsi qu’en septembre 1406, la jurade de Bordeaux ordonne le déploiement sur la Garonne d’une partie de sa flotte communale afin de protéger le travail des vendangeurs « per tant que las bonas gens ayen retreyt las fruytz » : trois baleiniers sont réquisitionnés pendant quinze jours et accompagnés de deux anguilles (bateau à faible tonnage, longs et rapides) (voir les Registres de la Jurade de Bordeaux, t. III, p. 55, version numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas, p. 90). La récolte ne débute qu’au moment de la levée du ban des vendanges, décision relevant des autorités seigneuriales après vérification de la maturité des raisins. 
 
Si la vinification n’est pas contrôlée en elle-même, la pureté du produit fini fait l’objet d’une règlementation stricte. L’ouillage (remplissage périodique du tonneau afin d’éviter l’oxydation du vin) et le coupage (mélange de vins issus de différents cépages) sont autorisés mais le vin utilisé ne doit pas être vieux ni provenir d’un cépage étranger. Les coutumes de La Réole rappellent ces obligations en quelques articles (voir les Archives historiques du département de la Gironde, t. II, pp. 241-243, version numérisée sur Gallica) : « défense de faire entrer du vin étranger dans la ville sous peine d’amende » (art. 13) ; « défense de mêler du vin vieux avec du nouveau à moins de le faire publier tel qu’il est » (art. 14) ; « défense aux taverniers de mêler le vin nouveau avec du vin vieux ou avec de l’eau, de faire aucuns mélanges nuisibles à la santé » (art. 45) ; « défense aux taverniers […] de le rendre plus agréable avec des mélanges » (art. 46). La préservation du produit permet ainsi d’en faire sa promotion et la pratique de « taster le vin » (c'est-à-dire de le goûter) s’est rapidement répandue.