La composition des armées anglaises et françaises aux XIVe et XVe siècles est bien documentée par les archives : cavaliers, archers, arbalétriers et fantassins forment le gros des troupes. Des différences majeures distinguent pourtant les deux royaumes. Alors que la France privilégie longtemps la traditionnelle cavalerie lourde incarnée par une noblesse chevaleresque indisciplinée, l’Angleterre fait la part belle aux combattants légers et aux archers. Des guerres menées contre l’Irlande, le Pays de Galles et l’Écosse, les Anglais rapportent une arme redoutable, le long bow (arc long mesurant près de 2 mètres), et une expérience militaire nouvelle privilégiant la mobilité des troupes, notamment sous la forme de raids destructeurs connus sous le terme de « chevauchées ». L’emploi de cavaliers légers, les hobelars, se généralise (C61/36, 18, membrane 11, 279 et suivants) bien que les archers montés les supplantent progressivement à partir des années 1330 (C61/79, 40, membrane 10, 69). Dès la fin du règne d’Édouard Ier (1272-1307), les archers occupent en effet une place prépondérante dans l’armée et Édouard III (1327-1377) encourage encore cette spécialisation en astreignant ses sujets à des entraînements de tir à l’arc hebdomadaires.   
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Entraînement des archers gallois. British Library, Le Psautier de Luttrell, Add MS 42130, folio 147, XIVe siècle
 

 

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Les arbalétriers gênois (à gauche) font face aux archers anglais (à droite). Bibliothèque nationale de France, Chroniques de Jean de Froissart, FR 2643, folio 165, XVe siècle
  Les Rôles gascons mentionnent les archers à de très nombreuses reprises, notamment lors de la mobilisation des troupes destinées à rejoindre le duché d’Aquitaine comme le 3 septembre 1324 où sont convoqués à Portsmouth 150 archers du Kent, 250 du Surrey et du Sussex, et 200 de l’Hampshire (C61/36, 18, membrane 27, 70). Le long bow possède plusieurs avantages par rapport aux autres armes de jet : sa puissance de tir est considérable (jusqu’à 300 mètres), une flèche pouvant transpercer une armure à une soixantaine de mètres ; sa cadence de tir se situe entre 10 et 16 flèches par minutes alors que l’arbalète ne peut en tirer que 4 ; enfin, sa corde est moins sensible à la pluie que celle de l’arbalète. Cette dernière est mieux adaptée aux tirs de précision tandis que la stratégie liée au long bow consiste à harceler l’ennemi d’une pluie de flèches comme à Crécy (1346), Poitiers (1356) ou Azincourt (1415). 

 

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Combat de chevaliers revêtus d’une protection en mailles. British Library, Décrétales de Grégoire IX, Royal 10 E IV, folio 105, XIIIe-XIVe siècle 
  L’usage intensif de l’arc long contraint les chevaliers à faire évoluer leur équipement et à protéger leurs destriers jusqu’alors particulièrement exposés. Si la protection par plaques de métal est attestée à la fin du XIIe siècle, elle ne se généralise que durant la guerre de Cent Ans, donnant naissance à l’armure de plates. Les chevaliers privilégiaient auparavant le haubert, robe de mailles faites d’anneaux en acier.   
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Joute de chevaliers en armure de plates. British Library, Décrétales de Grégoire IX, Royal 10 E IV, folio 65, XIIIe-XIVe siècle

 

Évolutions de l’armement du chevalier  

Gisant du chevalier de Curton
(XIIIe siècle)
La protection principale du seigneur anonyme de Curton (seigneurie de l’Entre-deux-Mers) est la maille : camail recouvrant la tête, haubert, gants et chausses de mailles. Seul le corps bénéficie d’une défense supplémentaire par l’ajout d’un gambison, sorte de pourpoint rembourré. À sa gauche se trouvent son épée et son écu figurant les armoiries des Curton (un lion surmonté d’une couronne), élément d’identification indispensable lors des batailles ou des tournois. 

 

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Gisant du chevalier de Curton, château de Tustal (Gironde), XIIIe siècle. Photo B. Fontanel, mairie de Bordeaux, Musée d’Aquitaine
 

Gisant du Prince Noir
(XIVe siècle)
Édouard de Woodstock (mort en 1376) est revêtu d’une armure de plates. Différentes pièces favorisent une meilleure répartition du poids : cervelière pour la tête, plastron pour le torse, épaulières, cubitières et canons pour les bras, gantelets pour les mains, cuissards, genouillères, grèves pour les jambes et solerets en guise de chausses. Présente sous la forme d’un vêtement enfilé sous l’armure ainsi que par le port du camail, la maille d’acier assure ici une protection supplémentaire aux interstices des plaques. Pièce d’étoffe recouvrant le haut du corps, le tabard arbore les armoiries du prince (fleurs de lys de France et léopards d’Angleterre), identification complétée par l’attribut royal de la couronne ceignant la cervelière. 

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Dessin du gisant du Prince Noir extrait de J. Foster, Some feudal coats of arms and others, 1902