Lorsque se présente en 1137 l’opportunité d’unir son fils, le futur Louis VII, à l’héritière du duché d’Aquitaine, Aliénor, le roi de France Louis VI le Gros (1108-1137). n’hésite pas. Ce mariage offre l’occasion aux Capétiens, dont le domaine est alors limité à une partie du Bassin Parisien, de s’étendre vers l’ouest en intégrant l’Aquitaine. Les noces sont célébrées le 25 juillet 1137 à Bordeaux et en décembre Aliénor est couronnée reine de France.
Cependant, le projet de rattacher le duché d’Aquitaine au domaine royal capétien sous l’autorité unique du roi de France échoue. Aliénor et Louis VII ont des personnalités radicalement différentes et, après maints conflits conjugaux, le mariage est annulé en mars 1152. Aliénor devient aussitôt l’héritière la plus convoitée du royaume de France comme en témoignent les deux tentatives d’enlèvement dont elle est la cible. Deux mois à peine après cette annulation, la duchesse épouse Henri Plantagenêt, duc de Normandie et prétendant à la couronne d’Angleterre. Considéré par Louis VII comme une provocation et une trahison de la part de ses deux vassaux, ce rapide revirement politique marque le début de ce que l’on peut considérer comme une première guerre de Cent Ans et les combats s’engagent aux marges des duchés de Normandie et d’Aquitaine. Malgré les différentes trêves et traités de paix souscrits entre les deux partis, les hostilités ne cessent jamais réellement. 
 
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© Fr. Boutoulle 
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Gisants d’Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt (XIIIe siècle). Abbaye royale Notre-Dame de Fontevraud (Maine-et-Loire) © Région Poitou-Charente, inventaire général du patrimoine culturel.
  À cette époque, les Plantagenêt possèdent en plus de la Normandie, les comtés du Maine, d’Anjou et de Touraine. Le ralliement de l’Aquitaine à leurs domaines place immédiatement le roi de France en infériorité territoriale dans son propre royaume. Cette position dangereuse s’aggrave lorsque le nouvel époux d’Aliénor accède au trône d’Angleterre sous le nom d’Henri II en décembre 1154. La duchesse est pour la seconde fois couronnée reine et c’est finalement l’héritier d’Angleterre, et non de France, qui doit lui succéder à la tête de l’Aquitaine. Enfin, en 1166, Henri II met la main sur le duché de Bretagne, consolidant ainsi ses possessions continentales. Avec les terres d’Angleterre, d’Irlande, d’Écosse et de France, le royaume d’Henri II et d’Aliénor forme alors ce que les historiens appellent l’« empire Plantagenêt ».

 

Ces changements affectent les relations entre les deux royaumes car Henri II et ses successeurs se retrouvent dans une situation féodale complexe : alors rois d’Angleterre, ils se voient réclamer les uns après les autres l’hommage vassalique dû aux rois de France pour leurs domaines continentaux, ce qu’ils cherchent à éviter en raison du caractère de soumission que revêt cette cérémonie pour un roi. De plus, les régions récalcitrantes à leur suzeraineté – comme l’Irlande et l’Écosse – s’appuient sur le soutien militaire et diplomatique des Français pour faire valoir leurs revendications. En France, même si le droit féodal permet aux souverains de consolider petit à petit leur autorité (les règnes de Philippe Auguste ou Philippe le Bel en sont de bons exemples), les grands barons savent tirer profit des périodes de fragilité monarchique (comme durant la minorité de saint Louis) pour modifier leurs alliances, comploter et contester l’autorité royale.

En Aquitaine – appelée Guyenne dès le XIIe siècle par l’adaptation en langue d’oc du mot latin Aquitania devenant Aguiaina puis Guienne – la domination des rois-ducs anglais devient un facteur de prospérité pour un secteur d’activité bien particulier : le vignoble. Entre 1204 et 1224, les aléas du conflit franco-anglais amputent en effet le duché de sa partie septentrionale. Après la conquête de la Rochelle par les Capétiens en 1224, le duché de Guyenne – réduit à la seule Gascogne et au sud de la Saintonge – se recentre sur Bordeaux où transitent désormais les vins de la région exportés vers les marchés anglais.
 
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Siège de La Rochelle par Louis VIII en 1224. British Library, Grandes chroniques de France, Royal 16 G VI, folio 388, XIVe siècle.