Kélainai – Apamée Kibôtos : Développement urbain dans le contexte anatolien
KELAINAI - APAMEIA KIBOTOS
Dr. Pierre DUPONT
Maison de l’Orient, Lyon, CNRS
Dr. Vasilica LUNGU
Researcher, Institute of South-Eastern Studies, Romanian Academy of Sciences, Bucharest
Rapport préliminaire sur les trouvailles céramiques de la campagne 2008
La première campagne de prospections à Kelainai a livré un ensemble de quelque 10000 tessons, permettant déjà de se faire une idée du faciès céramique général du site, d’esquisser les grandes lignes de son développement à partir de l’origine et de la typologie des principales catégories représentées, à défaut de pouvoir encore les dater précisément sur la base de contextes de fouille assurés.
Du fait de sa situation continentale, le site présente un faciès préhellénistique dominé par les productions des civilisations de l’Anatolie intérieure, avec seulement un petit nombre d’importations ou même d’influences en provenance des cités grecques du littoral égéen. Inversement, à partir de l’époque hellénistique, la tendance se renverse, les éléments autochtones cédant rapidement la place à une hellénisation à peu près totale. Les trouvailles des périodes romaine et byzantine sont également abondantes. Seules celles de l’Age du Bronze et de l’époque ottomane sont pour l’instant encore très chichement représentées.
En effet, à l’exception de quelques rares fragments de poterie modelée, pouvant même remonter jusqu’au Néolithique, et de quelques tessons Hittites à couverte orange lustre, ce sont les productions anatoliennes de l’Age du Fer qui marquent véritablement l’essor du site, avec notamment une belle série de tessons à décor peint “Black-on-Red”, censée remonter aux 7e-6e s., mais dont la période de fabrication a très bien pu dépasser cet intervalle. A signaler aussi de la Bichrome Ware, quelques rares tessons orientalisants de tradition phrygienne ou lydienne et une petite quantité de céramiques lydiennes. Par contre, de cette époque, nous n’avons identifié qu’un seul fragment grec de fruit-stand nord-ionien.
L’époque perse qui suit est jalonnée sur place par toute une série de “coupes achéménides”, caractérisées par une vasque basse, une lèvre en fort dévers et un décor peint sommaire tout à fait bâclé. Les pièces les plus anciennes, datables du début du 5e s., ont leur pendant à Sardes, mais la période de fabrication descend jusqu’à l’époque hellénistique.
Le vernis noir du 4e s. est représenté par quelques rares spécimens attiques et une certaine quantité de pièces de moindre qualité, d’origine grecque orientale probablement.
Quant à la céramique hellénistique à décor peint, elle consiste en fragments de lagynoi engobés du type de Pitane, datables de l’intervalle 150-50 av. JC. A signaler aussi, quelques fragments du style de Hadra, ainsi qu’un unique tesson de “West Slope” pergaménien, de la fin du 2e ou du début du 1e s. av. JC.
Les surveys de 2008 ont permis de recueillir également un certain nombre d’exemplaires de bols à reliefs, de type éphésien pour la plupart, datables du 2e s. av. JC., quelques petits fragments de lampes hellénistiques à vernis noir et romaines à décor d’applique et d’autres de figurines en terre cuite hellénistico-romaines.
Les sigillées orientales sont omniprésentes, tant pergaméniennes (dont 2 fragments de “Plakettenvasen”) que Tchandarli et aussi d’autres centres (Tralles, Sagalassos…), du 1e s. ap. JC pour la plupart. Mais on trouve aussi quelques sigillées italiques, don’t un plat estampillé NAIIV I […].
Mais la classe la plus répandue à Kelainai est sans doute celle de la vaisselle de table à couverte rouge lustrée d’époque romaine, dont la forme la plus fréquente est constituée par l’assiette à marli et pied annulaire.
La Late Roman C phocéenne est représentée par quelques spécimens d’assiettes du type 2 de Hayes (fin du 4e-5e s.).
La vaisselle grise est également très abondante, avec toute une série d’écuelles, de plats, de fish-plates, de cruches et de vases-conteneurs tels que deinoi et amphores. Il en est de même de la poterie culinaire, comprenant chytrai et lopades, ainsi qu’une palette de réchaud hellénistique ornée d’un masque de Dionysos.
Particulièrement répandue sur place semble être une variante à pâte orange foncé et couverte lustre de teinte lie-de-vin, dont la facture n’est pas sans évoquer les marmites modernes du type de Aydin. On trouve aussi une bonne quantité de grands récipients de stockage du type pithoi, dont certains porteurs d’ornements en relief, et de pesons de métiers à tisser.
Comme sur la plupart des sites d’habitat, les amphores de transport sont omniprésentes. Curieusement, les pièces d’importation semblent en nombre restreint. Le specimen le plus ancien semble être un fragment d’anse d’amphore archaïque du type de Chios à engobe blanc du tournant du 7e ou du début du 6e s. av. JC. Les formes hellénistiques comprennent surtout des types de Rhodes, de Cnide et de Cos. Mais le tableau semble être surtout dominé par un type local d’amphore de table à bord évasé, fond plat et anse de section concave, de datation incertaine.
Un certain nombre de timbres ont été retrouvés: 11 provenant de vases (dont un de lagynos) et 9 d’amphores de transport d’époque hellénistique (1 de Cnide, 1 de Chios, 5 de Rhodes et 1 d’un centre indéterminé), dont l’un porteur d’une intéressante représentation d’autel surmonté de flammes et accosté d’un A et d’un oiseau. Seize exemplaires de tuiles sont également porteurs de timbres à monogramme, circulaires pour la plupart et formant un groupe homogène, issu d’un même atelier du début de l’époque byzantine.
De même, quelques tessons, de sigillées orientales essentiellement, ont livré des graffites d’interprétation malaisée. Enfin, un petit nombre de tessons glaçurés d’époque ottomane ferment la marche de cette gamme déjà fort étendue de trouvailles céramiques.
mise à jour : 18 mai 2010