Ce projet trouve une partie de ses origines dans le dernier colloque organisé à la MSHA (23-24 janvier 2014) sur les fourches patibulaires, pour clôturer le projet région dirigé par Martine Charageat. Il amorçait l’élaboration du programme défendu ici.

ÉTUDES INTERDISCIPLINAIRES DES ACTEURS, INSTRUMENTS, LIEUX DE JUSTICE ET ESPACES D’EXÉCUTION 2015-2020

La pédagogie pénale passe par la gouvernance des corps, en particulier de ceux des criminels : qu’ils soient vivants ou morts, ils peuvent en effet être exposés, torturés, suppliciés et marqués. Il s’agit ici de démontrer comment la gouvernance des corps est, dans l’histoire des États européens, un enjeu de pouvoir sur le plan normatif, législatif et exécutif. Le sort des condamnés recouvre le droit sous toutes ses formes, autant de la norme émanant du texte écrit que de celle procédant de la coutume, et relève de l’expérience mémorielle des témoins qui ancrent dans leurs souvenirs, non seulement la bonne manière de tuer et d’exposer, mais également le(s) endroit(s) pour exécuter et la personne qui doit y procéder. Par le biais du droit et des divers systèmes juridiques de référence (droit commun, statuts urbains, etc.), ce projet renvoie en amont à la peine de mort et à sa gestion institutionnelle autant que normative. Cette recherche entend donc analyser la manipulation, le contrôle et/ou la contrainte exercée sur le corps des criminels. Qui manipule et comment ? Quels sens donner aux exécutions publiques ? Comment ces spectacles sont-ils perçus et évoluent-ils ? Comment les peines évoluent et changent de sens du Moyen Âge à la période contemporaine ?  


En outre, la production et l’administration au quotidien des « corps vifs ou morts » de la justice  requièrent des hommes et des équipements dont la définition, la fonction et l’impact prennent sens au regard des territoires et des ressorts juridictionnels au sein desquels ils sont amenés à être opératoires. Ainsi, bourreaux et gibets sont eux aussi au cœur de cette enquête programmée sur cinq ans. Allégories de la justice et marqueurs spatiaux de cette dernière, ils sont matériellement, territorialement et symboliquement parlant, l’expression de l’essor de la peine de mort. L’histoire des exécutions publiques a connu depuis une vingtaine d’années un regain d’intérêt à la faveur, notamment, de recherches centrées sur le rituel judiciaire. Dans le droit fil de ce renouveau historiographique, ce projet de recherche propose de repenser et de réévaluer les référents normatifs et institutionnels de gouvernance des corps pour les périodes médiévale, moderne et contemporaine, non seulement en s’ouvrant plus largement à l’interdisciplinarité, mais également en incluant l’analyse des acteurs et des équipements (gibets, bourreaux, lieux d’exécution, devenir des cadavres, etc.) pour les étudier de concert.