KELAINAI - APAMEIA KIBOTOS

Les résultats apportés par les prospections géophysiques ont permis non seulement de définir, avec une méthode non invasive, la présence d'ensembles architecturaux, mais aussi de planifier et de préparer l'implantation de fouilles futures. Au cours de ces prospections, nous avons utilisé trois méthodes différentes : géomagnétique (un gradiomètre fluxgate Foerster® FEREX et un gradiomètre fluxgate Bartington 602), géo-électrique (un résistivimètre ADA05R) et électromagnétique (un conductivimètre Geonics® EM38-RT). Les travaux ont été menés par deux équipes différentes : celle de K. Misiewicz (Varsovie) et celle de R. Chapoulie, V. Mathé et M. Druez (Bordeaux – La Rochelle). Les résultats, intégrés au SIG, ont pu préciser et compléter ceux du raster survey.

En 2008 et 2009, quatre zones ont été prospectées dans et à proximité immédiate de la ville :

- Zone A : sur la colline centrale Üçlerce qui domine la ville moderne ;

- Zone B : sur la colline Toptepe, à l'opposée de la zone A ;

- Zone C : dans un champ (30 x 200 m) situé sur le plateau qui domine l’hôtel Suçıkan, à l’extrémité nord de la ville de Dinar.

- Zone D : sur l’emplacement du stade antique dans la ville de Dinar.

Plusieurs prospections ont été également effectuées, ponctuellement, à l’extérieur de la ville.

Les prospections géo-électriques ont concerné les zones A, B et C (1,5 ha). Elles ont été complétées par deux campagnes de prospections géomagnétiques (20 ha), principalement dans la zone A. Les zones C et D (stade) ont été prospectées par la méthode électromagnétique.


Zone A

Les résultats des deux campagnes de prospection géophysique montrent une grande concentration de bâtiments et de structures enfouies qui font de ce secteur une cible privilégiée pour nos recherches futures. On y relève près de 50 anomalies. On peut voir en plusieurs endroits des petites structures qui ne forment pas de plan régulier. Or, le plan régulier est typique pour les nouvelles fondations de l’époque hellénistique en Asie Mineure, ce qui permet de supposer ici la présence des structures plus anciennes. Nous avons identifié au moins quatre ensembles de constructions :

- les anomalies axées nord-sud, situées au-dessus du théâtre, pourraient correspondre à une construction de type stoa dont une des fonctions semble d'habiller le haut du théâtre tout en lui offrant un accès monumental.

- une structure linéaire qui semble ceindre la partie haute de la colline pourrait correspondre à un mur d'enceinte défensif de l'acropole d'Apamée. Cette ligne est d'ailleurs matérialisée sur le terrain par une nette rupture de pente.

- des petites structures rectangulaires forment un groupe compact au sommet de la colline. Si la taille modeste des bâtiments laisse penser qu'il s'agit d'avantage d'habitats que de monuments publics, leur localisation topographique, dominant le territoire alentour, permet d'imaginer qu'ils doivent être liés à une occupation très ancienne du site et/ou au centre du pouvoir de la ville.

- la quatrième anomalie qui mérite d'être relevée forme une droite rectiligne qui, partant du groupe précédant, se dirige au sud-ouest. Sa forme ainsi que sa réponse aux instruments, de même que son caractère uniforme, nous incitent à interpréter cette anomalie comme étant probablement un axe de circulation qui mènerait de l'habitat dominant (anomalie précédente) aux abords extérieurs du mur de protection.

- enfin, on note aussi la présence d'un ensemble de très grands bâtiments à l'intérieur du circuit fermé, plus bas sur la pente. La lecture des données est plus difficile ici puisqu'il semble qu'une importante partie du sous-sol soit composée de masses brulées. En l'absence d'activité moderne dans ce secteur nous sommes amenés à croire que ces niveaux brulés correspondent à un événement ancien et que ces bâtiments devaient appartenir à un ensemble monumental, sans qu'il soit possible d'en préciser la fonction, qui a subit une destruction partielle par le feu.


Zone B

La plupart des formes régulières enregistrées se situent dans la partie ouest de la zone prospectée. Le résultat le plus intéressant correspond à être un complexe de haute résistivité avec nombre d'éléments linéaires. Toutes les anomalies de ce secteur sont bien limitées au sud et à l'est (par la présence d'une rue ?). De plus, ces résultats se répètent à plusieurs niveaux de profondeur, ce qui semble indiquer une élévation importante des vestiges enfouis. Des structures similaires ont également été repérées dans la partie sud-ouest de la zone prospectée. Les anomalies détectées dans les parties est et nord-est sont plus difficiles à interpréter. Ces zones montrent des réponses de faibles et fortes résistivités localisées aux mêmes endroits. Il se peut qu'il s'agisse d'un effet résultant de différents niveaux de transpiration de l'eau, ce qui pourrait indiquer la présence, ici aussi, de fondations de bâtiments en négatif. Certains éléments semblent cependant devoir s'interpréter comme le résultat d'activités récentes, bien que la présence de vestiges archéologiques préservés in situ ne soit pas à exclure. Les mesures magnétiques ont permis d'obtenir un tableau similaire aux résultats électriques. On peut donc conclure à la forte probabilité de la présence de vestiges archéologiques proches de la surface et partiellement détruits par une activité moderne. La présence de structures à des niveaux plus profonds n'est pas à exclure, elle devra cependant être confirmée par une série de sondages diagnostiques. La densité et l’importance des vestiges enregistrés sont nettement moins élevées que dans la zone A et il ne semble pas que nous soyons ici en présence d'un centre urbain ni de vestiges d'une occupation achéménide, ce qui confirme les résultats de l'étude céramologique du matériel ramassé en surface.


Zone C

Cet endroit offre un point de vue idéal pour le contrôle et la surveillance de l'importante voie de communication qui traversait la ville. On supposait donc la présence d’une forteresse, peut-être de l’époque achéménide, sur le rocher. Cette zone correspond en outre à une des possibles localisations de la résidence royale de l’époque achéménide (palais de Xerxès). Les vestiges attendus de ce type de construction peuvent être composés de construction en pierre ou en terre crue. La prospection géo-électrique a été complétée ici par une prospection géomagnétique, ainsi que par une prospection électromagnétique. Les réponses de résistivité sont assez similaires à deux niveaux différents de profondeur. Ces résultats semblent indiquer que la succession et l'organisation des couches du sous-sol sont moins complexes ici que dans les zones A et B. En se basant sur les résultats de résistivité, on peut supposer que la roche mère n'apparaît qu'à certains endroits, à proximité des affleurements visibles dans la zone nord du site. Les zones de haute résistivité, qui pourraient correspondre à la présence de vestiges archéologique, ont surtout été relevées dans les secteurs nord et ouest. Elles correspondent pour la plupart à des alignements, structures étroites, typiques de vestiges architecturaux. La plupart d'entre elles offrent des orientations régulières (nord-sud et est-ouest). On note aussi la présence d'angles droits et de formes régulières quasi complètes : carrés, rectangles (soulignés en bleu). Il est possible que ces dernières anomalies correspondent aux vestiges d'un ensemble monumental. Cependant, il n'est pas exclu qu'elles soient le résultat d'un substratum rocheux naturel. Ici encore, seuls des sondages archéologiques permettraient de vérifier ces hypothèses. La prospection électromagnétique montre dans le même endroit une grande structure qui  ressemble à une porte monumentale. On peut distinguer deux constructions qui peuvent être interprétées comme des tours encadrant un passage.


Zone D

Une prospection électromagnétique a été effectuée dans la zone du stade. La carte obtenue présente une bande résistante de 3 à 4 m de large parallèlement aux gradins en place. L’intensité du signal diminue peu à peu en s’en éloignant. Il est dès lors envisageable que l’empierrement correspondant est enfoui de plus en plus profondément. Ainsi, connaissant la largeur des gradins mesurée sur place (0.6 m), il est possible d’en déduire le nombre potentiel de gradins sous la surface : la première bande résistante délimitée en violet se rapporte à la rangée de gradins la plus basse affleurant la surface du sol, les deux suivantes correspondent à deux niveaux successifs tandis que les trois bandes les plus éloignés traduisent vraisemblablement la présence de trois niveaux supplémentaires, ce qui amène à 5 le nombre total de niveaux de gradins non visibles qui ont été détectés. Compte-tenu de la hauteur de chaque niveau et de la profondeur d’investigation de l’instrument, ce chiffre correspond au nombre maximum de niveaux qu’il était possible de détecter. Il est donc tout à fait envisageable qu’il existe encore plusieurs niveaux en-dessous de ceux-ci. Les gradins enfouies s’ajoutent aux sept rangées actuellement visibles en surface. D’autres gradins devaient se trouver au-dessus de celui qui est actuellement le gradin supérieur. On peut donc en conclure que le stade possédait environ une vingtaine de rangées de gradins. La diminution d’intensité du signal (progression vers le vert) au sud-ouest de l’escalier s’explique quant à elle probablement par la disparition des blocs, sans doute récupérés.

On constate également que le signal résistant fait un angle vers la limite nord-est de la carte et semble ensuite se poursuivre vers le nord-ouest (ellipse noire). Cela pourrait traduire le fait que cette zone corresponde à l’extrémité du stade ; le retour des gradins vers l’intérieur serait alors visible sur une dizaine de mètres environ. Cette conclusion qui serait très importante pour la restitution de la topographie de la ville ancienne demande une vérification par une investigation physique.

A l’ouest, aucune rangée de gradins faisant face aux vestiges identifiés n’a été détectée. Si une telle structure existait, ses vestiges seraient probablement sous la route passant devant le site. Seule une bande conductrice (en bleu-rose) de près de 10 m de large (délimitée en pointillés orange) a été mise en évidence. N’étant pas parallèle aux gradins en place, cette structure n’a probablement aucun lien avec le stade.

Responsable de la prospection géophysique

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Résultats de la prospection géomagnétique sur la colline d’Üçlerce (Zone A)

(K. Misiewicz, 2009)

Prospection géo-électrique

(K. Misiewicz & A. Dovgalev)

Prospection géomagnétique

(R. Chapoulie)

Prospection électromagnétique

(V. Mathé)

Résultats de la prospection géo-électrique sur la colline de Toptepe (Zone B)

(K. Misiewicz, 2008)

Résultats de la prospection géo-électrique dans la zone C

(K. Misiewicz, 2008)

Résultats de la prospection électromagnétique de la partie sud-ouest de la zone C

(R. Chapoulie, V. Mathé, M. Druez, 2008)

Résultats de la prospection électromagnétique du stade

(Zone D)

(R. Chapoulie, V. Mathé, M. Druez, 2008)

Zones des prospections géophysiques

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