Les Lutteurs de Florence font peau neuve
Un article de Anne Delaplace, médiatrice scientifique du laboratoire Ausonius
Aline Raux, restauratrice agréée, procède au nettoyage du groupe des Lutteurs. L’application d’attapulgite, un mélange d’argile, d’eau et d’un composant proche de la colle à papier peint, permet le décrassage en douceur des parties les plus empoussiérées. Après séchage, la solution se retire aisément, du bout des doigts ou à la pointe du scalpel. Ce peeling respectueux d’un matériau sensible à l’humidité, révèle le fin réseau de coutures affleurant à la surface de l’épiderme. (Cliché Anne Delaplace.)
Le 02 octobre 2023, le moulage en plâtre du groupe statuaire d’origine antique dit des Lutteurs de Florence, issu des collections historiques et pédagogiques de l’université Bordeaux Montaigne, émerge du conditionnement en bois qui l’abrite depuis trois ans.
Retenu par l’équipe franco-allemande du projet de recherche GymnAsia, coordonné par Pierre Fröhlich (Ausonius) et son homologue Christof Schuler (Munich), le groupe doit figurer en bonne place au sein de l’exposition du même nom, consacrée aux origines de l’olympisme et accueillie en partie au musée d’Aquitaine à compter du 18 mars prochain. Pour rendre sa lisibilité à l’œuvre, une restauration s’imposait.
Une intervention raisonnée
Établi par Aline Raux, restauratrice agréée en œuvres sculptées, le diagnostic sanitaire de l’œuvre témoigne de désordres structurels, associés au gonflement de l’armature métallique sous-jacente au plâtre, d’un encrassement profond, de lacunes et d’épaufrures diverses. Préalable au protocole d’intervention, ce précieux constat d’état, fondé sur une étude technique de l’œuvre, détermine la méthode d’intervention utilisée.
Le comblement des lacunes les plus visibles s’attache à stabiliser les fissures, en épousant la forme anatomique des reliefs de la jambe et du pied du lutteur « vainqueur », lequel récupère, au passage, l’usage de ses doigts de pied, jusque-là soigneusement conservés à part.
Le nettoyage des surfaces, sans conteste la phase la plus longue du travail, s’effectue par un gommage doux, associé à l’application en couches d’un gel d’attapulgite, un mélange bien dosé d’argile très fine, d’eau et de carboxyméthylcellulose (CMC en formule abrégée), un agent cellulosique à usage épaississant, proche de la composition de la colle à papier peint.
Le tout est appliqué en couches épaisses et homogènes sur les parties les plus irréductibles au gommage : détails de la musculature, replis des doigts, mèches de la chevelure.
Une lisibilité retrouvée
Le résultat est probant : sans atteindre une illusoire blancheur, l’épiderme retrouve une certaine homogénéité, en dépit de traces apparentes de coulures, peut-être dues au lessivage à grande eau d’un ancien badigeon.
L’assemblage des différentes parties du moulage, issu du coulage de plâtre dans un moule à (nombreuses) pièces, redevient lisible. Sous une lumière appropriée, un très fin réseau de coutures apparaît sur les lignes des visages.
Des traces techniques à conserver, à la différence des éclats de surface produits par divers incidents de manipulation.
Réalisé au pastel ou à l’aquarelle, le travail d’harmonisation des surfaces sera en partie réalisé sur le lieu de l’exposition, en conditions d’éclairage réel : une ineffable touche de douceur rendra ainsi hommage à l’un des fleurons de la collection de moulages, présentée au sein du musée archéologique créé en 1886 dans les locaux de l’ancienne faculté des Lettres de Bordeaux, et déménagée en 2020 dans les actuels espaces de l’Archéopôle.
GymnAsia, aux origines des jeux olympiques : une exposition adossée à un programme de recherche franco-allemandPrésentée de manière simultanée dans le hall du musée d’Aquitaine et au sein des locaux de l’Archéopôle, l’exposition s’attachera à mettre en valeur les origines antiques de l’olympisme en soulignant l’importance centrale des concours athlétiques et de l’entraînement dans les gymnases des cités grecques du VIe siècle avant J.-C. au IVe siècle après J.-C. Une série de panneaux pédagogiques développera ces thèmes autour de la présentation, en cours de négociation, de moulages d’objets antiques de petites dimensions -disques, poids de sauts-, issus des collections du musée des moulages de Munich. Au cours de dix siècles d’histoire, le gymnase connaît de nombreuses transformations, dans son usage, sa signification et sa forme. Ces mutations sont documentées par les sources archéologiques et la profuse documentation épigraphique produite en Asie Mineure, dont l’étude conjointe est menée par une équipe de chercheurs de Bordeaux et de Munich, soutenue par l’ANR-DNG dans le cadre d’un projet pluriannuel de recherche (https://gymnasia.huma-num.fr/). |