Si Édouard II (1307-1327) conserve une attention sur l'Aquitaine, son règne troublé ne lui permet pas de poursuivre l’œuvre de son père.

 

 

Ne prenant l’initiative d’aucune nouveauté, il se borne à maintenir le fonctionnement administratif mis en place dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Il prend néanmoins soin de surveiller ses officiers, de punir leurs abus et de rappeler les limites de leurs prérogatives. Le 20 mai 1318, à la suite de ce qui semble être un conflit de juridiction entre la paroisse de Reilhac et la baylie de Montfaucon (Lot), et durant lequel le bayle commet plusieurs exactions (extorsion d’argent, saisies arbitraires, convocations illégales aux assises de Montfaucon), Édouard II ordonne que les habitants de la dite paroisse soient placés dans la baylie de Montfaucon. Néanmoins, le roi précise que le bayle ne peut contraindre ces derniers à répondre ou être cités aux assises de Montfaucon, hormis pour les cas les plus graves (C61/32, 11, membrane 9d, 206).

Exceptionnel par sa longévité, le règne d’Édouard III (1327-1377) place à nouveau le duché de Guyenne au cœur des préoccupations anglaises.

 

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Couronnement du roi Édouard II. British Library, Chroniques de Peter Langtoft, Royal MS 20 A II, folio 10r, XIVe siècle
 

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Édouard III, roi d’Angleterre. British Library, The Bruges Garter Book, Stowe 594, folio 7v, XVe siècle

Tous deux désireux de reprendre le vieux conflit opposant la France et l’Angleterre, Édouard III – qui revendique le trône de France au nom des droits de sa mère – et Philippe VI de Valois (1328-1350) entrent en guerre en 1337 sous de futiles prétextes (face au refus de livrer le traître Robert d’Artois, réfugié en Angleterre, le roi de France ordonne la confiscation du duché d'Aquitaine). C’est le début de la guerre de Cent Ans. Jusqu’en 1369, la situation est favorable à Édouard III et à son fils Édouard de Woodstock (le Prince Noir) qui remportent des victoires majeures (Crécy en 1346, Poitiers en 1356) aboutissant à la signature du Traité de Brétigny-Calais le 8 mai 1360. L’accord est particulièrement avantageux pour les Anglais qui étendent leur souveraineté sur le Poitou, l’Angoumois, le Limousin, le Périgord, la Saintonge, l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, la Bigorre, l’Armagnac et le Béarn.

Occupé à combattre sur plusieurs fronts (notamment en Flandre et en Écosse) et voulant décharger le peuple anglais du coût financier de la guerre en Aquitaine, Édouard III se résout à prendre une décision radicale : le 19 juillet 1362 il crée une principauté d’Aquitaine autonome dont il confie le gouvernement à son fils Édouard de Woodstock (C61/75, 36, membrane 16, 54).

 
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Édouard III accorde en 1362 la principauté d’Aquitaine à son fils Édouard de Woodstock, le Prince Noir. British Library, MS Latin Cotton Nero D VI, folio 31, XIVe siècle

Même si le nouveau prince doit l’hommage vassalique à son père (C61/75, 36, membrane 8, 74), le roi rétablit enfin par cet acte l’autorité forte qui faisait défaut à l'Aquitaine depuis la mort de la duchesse Aliénor en 1204. Cette élévation du duché en principauté se traduit de deux manières dans les Rôles gascons : d’abord par l’enregistrement d’une série d’actes organisant le départ du Prince Noir et de sa suite (voir notamment les nombreuses lettres de protections accordées en septembre 1362 à ceux qui s’embarquent au service du prince en Gascogne, (C61/75, 36, membrane 4, 98), ensuite par une lacune documentaire concernant l’administration du duché entre 1363 et 1372 témoignant de l’autonomie de la principauté puisque les décisions ne sont plus prises depuis l’Angleterre. Si les enregistrements ne cessent pas pour autant, ils ne concernent plus que les protections et attournements (procurations confiées à deux personnes) des hommes quittant l’Angleterre pour l’Aquitaine ainsi que les appels judiciaires les plus problématiques. En tant que suzerain de la principauté, Édouard III conserve ainsi un regard vigilant sur les affaires continentales.

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Édouard de Woodstock dit le Prince Noir. British Library, The Bruges Garter Book, Stowe 594, folio 14, XVe siècle

Resté célèbre dans l’histoire pour ses qualités guerrières et ses victoires retentissantes (comme la capture du roi de France Jean II le Bon (1350-1364) à la bataille de Poitiers), le Prince Noir ne semble pas avoir été un habile administrateur. Les appels judiciaires provenant de Gascogne et envoyés au Parlement de Londres révèlent notamment que les agents du prince empiètent sur les compétences des officiers ducaux, signe que les anciennes institutions sont maintenues. Ici, les greffiers bordelais obligent Édouard de Woodstock à reconnaître leurs libertés qui ont été violées (C61/78, 39, membrane 11, 24) ; là, ce sont les ouvriers et les monnayeurs qui réclament la confirmation de leurs privilèges, notamment l’exemption du droit de douane sur les vins que les ministres du prince les avaient contraints à payer (C61/78, 39, membrane 4, 71). Il paraît évident que l’arrivée massive à Bordeaux de dignitaires anglais et de leurs suites provoque une crispation chez les Bordelais. De même, le refus du vicomte Gaston III Fébus (1343-1391) de prêter hommage pour la vicomté de Béarn qu’il prétend détenir en toute souveraineté, compromet l’autorité nouvelle que le Prince Noir entend exercer sur ses grands vassaux (le 12 janvier 1364, Gaston III ne jure l’hommage que pour les vicomtés de Marsan et de Gabardan).

 

Édouard de Woodstock tente néanmoins de bâtir une principauté de premier plan en lui conférant une identité. Désireux de créer un véritable État, il met en place un système d’impôts extraordinaires prélevés avec l’accord des États de Guyenne : le fouage. Représentations matérielles du pouvoir, il offre à l’Aquitaine une monnaie spécifique, le Guyennois d’or et d’argent (frappée pour la première fois en 1362) et un grand sceau figurant les trois léopards aquitains.

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Guyennois d’or frappé à l’effigie du Prince Noir, XIVe siècle. Photo L. Gauthier, mairie de Bordeaux, Musée d’Aquitaine

L’administration ne connaît pas de changement majeur mais s’étoffe d’offices multiples relatifs à la chancellerie, au secrétariat ou à la trésorerie (un « auditeur des comptes de la principauté d’Aquitaine » apparaît dans les Rôles gascons en 1367, (C61/83, 44, membrane 9, 20). L’ébauche d’une cour parlementaire est même constituée dans les derniers temps de la principauté : le 17 avril 1372, le Prince Noir octroie à plusieurs prélats et barons aquitains le mandat de juger en appel les affaires relevant du droit pénal et civil (C61/85, 46, membrane 7, 22).

L’éphémère expérience de la principauté se révèle être un échec. Les revenus dont dispose l’Aquitaine ne permettent pas de couvrir les dépenses d’une administration d’envergure étatique ainsi que les frais de guerre. À la faveur d’une succession de défaites militaires face aux Français, de la maladie d’Édouard de Woodstock et de l’impopulaire levée d’un nouveau fouage, les grands vassaux de Gascogne se révoltent et basculent dans le camp de Charles V (1364-1380). La mort du Prince Noir en 1376 et celle d’Édouard III en 1377 inaugurent une période difficile où le duché d'Aquitaine, à nouveau réduit à la Gascogne, est désormais pratiquement livré à lui-même