Si Édouard II (1307-1327) conserve une attention sur l'Aquitaine, son règne troublé ne lui permet pas de poursuivre l’œuvre de son père.
Même si le nouveau prince doit l’hommage vassalique à son père (C61/75, 36, membrane 8, 74), le roi rétablit enfin par cet acte l’autorité forte qui faisait défaut à l'Aquitaine depuis la mort de la duchesse Aliénor en 1204. Cette élévation du duché en principauté se traduit de deux manières dans les Rôles gascons : d’abord par l’enregistrement d’une série d’actes organisant le départ du Prince Noir et de sa suite (voir notamment les nombreuses lettres de protections accordées en septembre 1362 à ceux qui s’embarquent au service du prince en Gascogne, (C61/75, 36, membrane 4, 98), ensuite par une lacune documentaire concernant l’administration du duché entre 1363 et 1372 témoignant de l’autonomie de la principauté puisque les décisions ne sont plus prises depuis l’Angleterre. Si les enregistrements ne cessent pas pour autant, ils ne concernent plus que les protections et attournements (procurations confiées à deux personnes) des hommes quittant l’Angleterre pour l’Aquitaine ainsi que les appels judiciaires les plus problématiques. En tant que suzerain de la principauté, Édouard III conserve ainsi un regard vigilant sur les affaires continentales.
Resté célèbre dans l’histoire pour ses qualités guerrières et ses victoires retentissantes (comme la capture du roi de France Jean II le Bon (1350-1364) à la bataille de Poitiers), le Prince Noir ne semble pas avoir été un habile administrateur. Les appels judiciaires provenant de Gascogne et envoyés au Parlement de Londres révèlent notamment que les agents du prince empiètent sur les compétences des officiers ducaux, signe que les anciennes institutions sont maintenues. Ici, les greffiers bordelais obligent Édouard de Woodstock à reconnaître leurs libertés qui ont été violées (C61/78, 39, membrane 11, 24) ; là, ce sont les ouvriers et les monnayeurs qui réclament la confirmation de leurs privilèges, notamment l’exemption du droit de douane sur les vins que les ministres du prince les avaient contraints à payer (C61/78, 39, membrane 4, 71). Il paraît évident que l’arrivée massive à Bordeaux de dignitaires anglais et de leurs suites provoque une crispation chez les Bordelais. De même, le refus du vicomte Gaston III Fébus (1343-1391) de prêter hommage pour la vicomté de Béarn qu’il prétend détenir en toute souveraineté, compromet l’autorité nouvelle que le Prince Noir entend exercer sur ses grands vassaux (le 12 janvier 1364, Gaston III ne jure l’hommage que pour les vicomtés de Marsan et de Gabardan). L’administration ne connaît pas de changement majeur mais s’étoffe d’offices multiples relatifs à la chancellerie, au secrétariat ou à la trésorerie (un « auditeur des comptes de la principauté d’Aquitaine » apparaît dans les Rôles gascons en 1367, (C61/83, 44, membrane 9, 20). L’ébauche d’une cour parlementaire est même constituée dans les derniers temps de la principauté : le 17 avril 1372, le Prince Noir octroie à plusieurs prélats et barons aquitains le mandat de juger en appel les affaires relevant du droit pénal et civil (C61/85, 46, membrane 7, 22). L’éphémère expérience de la principauté se révèle être un échec. Les revenus dont dispose l’Aquitaine ne permettent pas de couvrir les dépenses d’une administration d’envergure étatique ainsi que les frais de guerre. À la faveur d’une succession de défaites militaires face aux Français, de la maladie d’Édouard de Woodstock et de l’impopulaire levée d’un nouveau fouage, les grands vassaux de Gascogne se révoltent et basculent dans le camp de Charles V (1364-1380). La mort du Prince Noir en 1376 et celle d’Édouard III en 1377 inaugurent une période difficile où le duché d'Aquitaine, à nouveau réduit à la Gascogne, est désormais pratiquement livré à lui-même |