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Pour les habitants de Bordeaux, le nom de Pey Berland est principalement associé à l’imposante tour-clocher dont il inaugura la construction en 1440, à proximité de la cathédrale Saint-André. Mais ce personnage joua aussi un rôle majeur dans la résistance gasconne des dernières décennies d’existence de l’Aquitaine « anglaise ». Issu d’un milieu modeste, Pey Berland est élu archevêque de Bordeaux le 13 août 1430 alors qu’il officie comme secrétaire et trésorier adjoint au chapitre de Saint-André. Le choix des chanoines est stratégique puisque l’homme, familier du conseil ducal (C61/123, 7, membrane 3, 43) et de la cour pontificale, ne peut que plaire au souverain anglais et au pape. Mais le nouvel archevêque est aussi réputé pour sa grande piété, son mode de vie vertueux proche de l’ascétisme, son âme particulièrement charitable envers les faibles, sa fidélité à la couronne britannique et son attachement à son diocèse. Sa loyauté transparaît dans tous ses actes et notamment en 1438 lorsqu’il rejette la Pragmatique Sanction de Bourges qui entend limiter les pouvoirs du pape et placer l’Église de France sous l’autorité du Valois Charles VII (1422-1461). Cette ordonnance, qui aurait pu saper davantage l’autorité du roi d’Angleterre dans son duché d’Aquitaine, ne sera imposée au diocèse de Bordeaux que lors de sa conquête par les Français en 1451. |
Dans les années 1440, la situation se dégrade considérablement dans la région bordelaise jusque-là relativement épargnée par les expéditions militaires. Pey Berland encourage les Gascons à résister. Pour remédier aux lacunes institutionnelles éducatives d’un duché coupé de la France (par la guerre) et de l’Angleterre (par la mer), il participe activement à la fondation de l’Université de Bordeaux accordée par le pape le 7 juin 1441. Il crée parallèlement le collège Saint-Raphaël (anciennement situé rue de Ruat à Bordeaux) voué à la formation théologique et canonique des jeunes hommes se destinant à une carrière ecclésiastique, prémices des séminaires qui se multiplieront à partir du XVIIe siècle. Pey Berland s’investit tout autant sur le plan militaire et diplomatique. Le roi d’Angleterre lui accorde confiance et protection à plusieurs reprises afin qu’il mène en son nom certaines tractations (C61/126, 14, membrane 1, 27) et notamment la négociation d’une trêve avec le comte d’Armagnac Jean IV et le sire d’Albret Charles II en juillet 1437 (C61/127, 15, membrane 2, 81). Puis, lorsque Bordeaux est directement menacée à la suite d’une vaste offensive française menée à l’été 1442 et durant laquelle le sénéchal de Gascogne est capturé, l’archevêque exhorte les habitants de la cité à organiser les défenses et se rend en hâte à Londres pour réclamer des secours au roi Henri VI (1422-1471). Sa relation des faits à la cour anglaise démontre une parfaite connaissance des événements récents ainsi que de la situation militaire du duché. Il présente au roi-duc un plan de secours recommandant d’abandonner la surveillance des côtes pour renforcer les garnisons des grandes cités du duché – Bordeaux et Bayonne – et des principales places-fortes situées dans l’Entre-deux-Mers, les basses vallées de la Dordogne et de la Garonne ainsi qu’à Bergerac et Marmande. L’objectif est bien d’éviter l’éparpillement des troupes, alors insuffisantes, afin de verrouiller les principales voies d’accès du territoire. Lorsque Bordeaux est finalement conquise une première fois par les Français en juin 1451, c’est encore Pey Berland qui parvient à négocier un traité de capitulation favorable aux habitants de la ville (les franchises, coutumes et possessions sont préservées, l’amnistie est générale, les prisonniers sont libérés, le service militaire et les tailles sont supprimées etc.). Cependant, supportant mal les pressions exercées par les autorités françaises soucieuses de se débarrasser de cet archevêque trop acquis à la cause anglaise, Pey Berland finit par démissionner de son office en 1456. Retiré au collège de Saint-Raphaël, il s’éteint en janvier 1458 et fait, depuis lors, l’objet d’un culte local. |
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