Représentant de l’autorité ducale en Aquitaine, le sénéchal de Gascogne ne parvient pas à gouverner le duché au XIIIe siècle conformément aux souhaits des sujets. Faute de revenus suffisants pour eux-mêmes et les officiers qui les relaient – ce qui les contraint à pressurer les contribuables nobles et non nobles –, faute aussi d’une force militaire permanente, les sénéchaux manquent cruellement de moyens. Les rois-ducs agissent aussi à leur encontre : leurs gages sont irréguliers et variables, les appels en matière judiciaire sont directement envoyés à Londres, et des arrêts royaux sont même rendus au mépris de la justice du sénéchal. Difficiles à soumettre quand les ducs résidaient encore dans le duché, la noblesse et la bourgeoisie urbaine accentuent leurs velléités autonomistes.
Un séjour de dix-sept mois en Aquitaine suffit au prince Édouard pour identifier les principaux maux dont souffre cette dernière. Lors de son retour en Angleterre en octobre 1255, Bordeaux est devenue la capitale administrative, politique et financière du duché. Les services financiers et la majeure partie de l’administration générale ont été rassemblés au palais de l’Ombrière. Désormais, c’est à Bordeaux que sont données les instructions et que les requêtes seront reçues. C’est aussi à Bordeaux, et non plus à Londres, que les affaires ordinaires sont expédiées. La création des Rôles gascons en 1273 et la grande enquête des reconnaissances féodales menée entre 1272 et 1276 (Recogniciones feodorum in Aquitania, édition de Charles Bémont numérisée sur Gallica) reflètent parfaitement cette volonté nouvelle d’organiser, de clarifier et de structurer efficacement les vieilles institutions du duché d’Aquitaine. L’intérêt du roi Édouard Ier pour son domaine continental est resté constant jusqu’à sa mort en 1307. Il séjourne à quatre reprises en Aquitaine (voyages durant lesquels il fait montre d’une générosité ostentatoire) et étend les pouvoirs du sénéchal de Gascogne dont le rôle diplomatique devient capital après le Traité de Paris de 1259.
Face à cette contestation de leur souveraineté qui sape davantage leur autorité, les rois-ducs chargent désormais les sénéchaux de Gascogne de défendre leurs intérêts à Paris, ce que fait par exemple Antonio de Pessagno pour Édouard II (1307-1327). Dans un document daté du 3 novembre 1317, le roi ordonne qu’en plus de son salaire de sénéchal fixé à 2000 livres tournois, Antonio de Pessagno en reçoive 5000 pour ses frais au Parlement de Paris. Le sénéchal doit être aussi raisonnablement remboursé de tous ses déplacements en dehors du duché. Le texte révèle non seulement qu’Antonio de Pessagno se rend régulièrement au Parlement de Paris mais aussi que l’office de sénéchal de Gascogne est désormais bien rémunéré (C61/32, 11, membrane 16, 31).
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