Le cas des bastides
La création d’une bastide suit des étapes précises. Il faut avant tout déterminer son emplacement et, si le fondateur n’est pas le seul maître du lieu, conclure un contrat de paréage avec entre les différents seigneurs locaux (partage des pouvoirs et des revenus de la bastide). Une charte de fondation est ensuite rédigée afin d’établir un plan d’urbanisme et de fixer les limites administratives de la ville. Cet acte est aussitôt suivi d’une charte d’établissement des coutumes et libertés concédées aux habitants du nouveau bourg et dont l’objectif est d’attirer les populations environnantes et garantir leur fidélité. Ainsi, le 25 octobre 1321, à la suite d’une pétition envoyée par les autorités de Dax et Bonnegarde, Édouard II (1307-1327) fait confirmer et préciser les coutumes de la bastide de Hastingues (Landes) qui fut fondée en 1289 par le sénéchal de Gascogne John de Hastings (C61/35, 15-17, membrane 19, 18). Parmi les nombreux articles de ce texte, retenons que les habitants d’Hastingues ne peuvent être soumis à aucune taxe ni fouage (impôt extraordinaire) à moins qu’ils n’y consentent, peuvent librement disposer de leurs biens, ne peuvent être arrêtés et emprisonnés qu’en cas de crime capital (comme le meurtre), ne peuvent être jugés en dehors des limites administratives de la bastide, peuvent disposer d’un four personnel et sont exemptés du service militaire durant dix ans. À ces privilèges s’ajoutent ceux d’organiser deux foires par an (d’une durée de huit jours) et un marché au mois de mars, d’être exempté des taxes sur les ventes et achats, de posséder un sceau municipal et d’élire annuellement six jurats chargés d’administrer la ville sous la surveillance d’un agent du roi-duc, le bayle. Les jurats peuvent exiger la participation des habitants aux travaux publics (entretien des routes, des ponts, des fontaines etc.) et peuvent lever un impôt en cas de nécessité. En matière de justice, une hiérarchie stricte est établie entre les différentes amendes pour délits : par exemple, les fausses allégations sont punies de 6 sous de monnaie de Morlaàs alors que l’amende pour adultère s’élève à 100 sous (la somme la plus élevée indiquée dans le document). Pour satisfaire les revendications de Dax et Bonnegarde, les limites de la juridiction d’Hastingues sont aussi précisées : elles s’étendent de la rivière (les Gaves réunis) à la Bidouze et au pont de Lahire, et du lieu appelé « ad fossam de Bideng » jusqu’à l’embouchure de la Bidouze. Les personnes ne relevant pas de l’autorité du roi-duc mais vivant sur ce territoire bénéficient notamment d’un droit de pâture et de ramassage du bois. Enfin, des informations précieuses sont fournies en matière d’urbanisme puisque la division du territoire en lots individuels est mentionnée : chaque habitant de la bastide dispose au choix d’une terre de 12 aunes de largeur sur 30 de longueur ou de 12 aunes de largeur sur 44 de longueur (l’aune vaut 1,191 mètre dans la région des Landes).
Édouard II intervient une première fois le 8 novembre 1319 en exigeant une enquête sur ces déprédations perpétrées sur ses sujets (C61/33, 13-14, membrane 15d, 46). Les méfaits du comte d’Armagnac et du vicomte de Brulhois étant renouvelés, le roi d’Angleterre ordonne au sénéchal de Gascogne, le 8 mai 1320, de rétablir la paix au plus vite et d’indemniser les habitants de Montréal. Le sénéchal est même accusé par Édouard II d’avoir négligé le règlement de cette affaire (C61/33, 13-14, membrane 19, 173). Ces multiples conflits sont la conséquence directe des conditions de fondation des bastides. En s’appropriant des territoires jusque là livrés à un enchevêtrement de droits confus et privés, les rois-ducs réveillent l’animosité de leurs vassaux. Cependant, les bénéfices (politiques et financiers) tirés de ces villes neuves supplantent largement les difficultés liées à leur établissement. |