Lors de son investiture au duché d’Aquitaine, le duc doit jurer de respecter les coutumes, privilèges et libertés de ses sujets. Les coutumes sont des règles juridiques aux origines anciennes conservées par la mémoire collective et dont la transmission a longtemps été orale. Sources d’une partie du droit, elles s’appliquent sur un territoire déterminé – ville, région, principauté – et peuvent concerner tous les aspects de la vie quotidienne. Parfois assimilés aux coutumes, les libertés (ou franchises) et privilèges s’appliquent de préférence à un statut juridique particulier et sont concédés à une communauté territoriale (parfois à un individu) par le seigneur du lieu dans le but d’attirer d’autres habitants ou de conserver les dépendants de sa seigneurie, potentiellement attirés par les franchises d’un autre seigneur.
Les Rôles gascons fourmillent de références à ces usages anciens acquis au fil des siècles et ardemment défendus par les populations. Le roi-duc ne cesse de les confirmer et d’en concéder de nouveaux dans l’objectif de fidéliser ses sujets, d’étendre son autorité ou de favoriser les échanges commerciaux. Transmettant tous ses pouvoirs de duc d’Aquitaine à son fils en 1362, Édouard III concède entre autres à Édouard de Woodstock le droit de confirmer tous les privilèges, franchises, usages et libertés du duché ainsi que d’en accorder de nouveaux (C61/75, 36, membrane 5, 87). Ces règlements ont progressivement été couchés par écrit et, si la plupart des textes originaux ont été perdus, nombreux sont ceux connus par les confirmations et les compilations dont ils ont fait l’objet. Par exemple, les usages et privilèges de Bordeaux sont fixés dans les Établissements.
Les 53 articles suivants appartiennent au registre de la coutume proprement dite et certains peuvent paraître très insolites : la maison d’un Bordelais ne peut être détruite à titre de peine mais les portes peuvent être arrachées et les biens qu’elle contient saisis (art. 27) ; une femme médisante doit payer une amende de 10 sous et être plongée à trois reprises dans l’eau froide (art. 29) ; après leur exécution, les meurtriers sont condamnés à être enterrés sous leurs victimes (art. 47) ; un chef de maison qui tue l’un des siens dans un moment de colère ne risque aucune peine s’il jure qu’il regrette son geste (art. 48) et s’il se contente d’infliger une blessure il n’est condamné qu’à nourrir et soigner sa victime (art. 49) ; les amants adultères sont condamnés à courir la ville nus et attachés l’un à l’autre mais si la femme accusée est une nourrice enceinte, elle doit être bannie de la ville à perpétuité (art. 53) ; les tonneliers fabricant des tonneaux avec du mauvais bois doivent dédommager ceux qu’ils ont lésés (art. 71). Enfin les derniers articles sont des ajouts postérieurs principalement consacrés à la protection des padouens, ces terres appartenant au roi-duc mais à usage libre pour les habitants (il peut s’agir de pâturages, de bois, de vignes, de rivières, de chemins etc.).
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