L’artisanat aquitain s’est spécialisé dans les métiers du métal et du bois. Plusieurs textes attestent de l’existence d’orfèvres à Limoges (art. 43, C61/75, 36, membrane 21), Bayonne (C61/132, 22, membrane 1, 121) ou Bordeaux (art. 7, C61/113, 11, membrane 19, 12). Dans la capitale du duché, ces artisans sont installés à proximité du Palais de l’Ombrière et ont laissé leur nom à l’actuelle rue des Argentiers. Leur réputation semble régionale puisqu’en 1361 le prince Louis de Navarre fait acheter à Bordeaux de la vaisselle d’étain. D’autres noms de rues bordelaises indiquent la présence de métiers liés à l’activité commerciale de la cité comme la rue de la Fusterie et la rue des Faures. Les fustiers exercent à l’extérieur de la première enceinte, le long du quai des Salinières. Ce sont des artisans du bois regroupant plusieurs spécialités comme les tonneliers, les charpentiers, les menuisiers etc.

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Hommes sciant une planche. British Library, Décrétales de Grégoire IX, Royal 10 E IV, folio 99, XIIIe-XIVe siècle
 

La fabrication des tonneaux représente sans aucun doute une des activités les plus dynamiques de la ville et le Rolle de la vila spécifie que les tonneaux doivent être fait avec du bon bois sous peine d’une sanction financière (art. 71, voir la version éditée et numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas, p. 301). La charpenterie est quant à elle nécessaire à la construction et à la réparation des bateaux servant au transport fluvial et maritime des marchandises. En temps de conflits, ces ouvriers du bois participent à l’effort de guerre comme lors de la guerre de Saint-Sardos (1324-1325) où deux chantiers sont organisés à Sainte-Eulalie et au Cailhau pour la construction de trébuchets et mangonneaux, ou lors de la réparation du navire royal Dieu garde à Bayonne en 1417 (C61/117, 5, membrane 5, 60).

Non loin des fustiers et tout près de la basilique Saint-Michel se trouve la rue des Faures accueillant les forgerons. Les forges de Bordeaux sont anciennes et fabriquent toutes sortes d’armes et d’armures, de même qu’elles participent à l’activité tonnelière. Les épées, lances, boucliers ou cottes de mailles sont exportées dès le XIe siècle en direction de l’Espagne musulmane, comme l’indiquent les tarifs des douanes perçues durant cette période à Pampelune et Jaca. La réputation des forgerons de Bordeaux se perpétue encore au XIVe siècle, à tel point que Louis de Navarre fait venir en 1358 à Olite et Pampelune trois armuriers bordelais et cinq de leurs ouvriers spécialisés dans la conception de plates (plaques de métal pour les armures), de bassinets (casques à visière) et de cottes de mailles. La littérature française atteste aussi de la notoriété des armes bordelaises : dans son récit sur le combat des Trente opposant Français et Anglais le 26 mars 1351, Jean Froissart évoque les « courtes épées de Bordeaux roides et aiguës » (voir la version éditée et numérisée sur Gallica, t. 3, p. 38), alors que Jean Cuvelier mentionne dans sa Chronique de Bertrand du Guesclin un « espoit (épieu) de Bordiaux » valant très cher (voir la version éditée et numérisée sur Gallica, t. 1, p. 222, v. 6017).

Le duché d’Aquitaine ne possède pas de mine fournissant les métaux nécessaires à ces travailleurs du métal parmi lesquels il faut ajouter les fabricants de monnaies (« operarii », C61/33, 14, membrane 6, 250). Les artisans sont donc contraints d’importer. Les Rôles gascons témoignent abondamment de ce commerce dont voici quelques exemples : 100 quintaux de cuivre de Flandre en 1325 (C61/37, 18, membrane 6d, 260), deux tonneaux de poids de plomb en 1376 chargés à Londres (C61/86, 47, membrane 1, 77), 100 000 poids d’étain de Cornouailles et du Devon en 1379 (C61/93, 3, membrane 4, 63) ou encore 100 tonneaux de fer de Biscaye en 1418 (C61/117, 6, membrane 2, 94).