À partir de la fin de la principauté d’Aquitaine, gouvernée par le Prince Noir entre 1362 et 1372, les anglo-gascons perdent du terrain. Trop occupée par des troubles civils et dynastiques, la monarchie anglaise ne peut se consacrer efficacement à la défense de ses domaines continentaux. La faiblesse des renforts venus d’Angleterre contraint donc les lieutenants du roi envoyés en Aquitaine à s’appuyer sur les principales villes du duché.

Déployant toute son influence, la Jurade de Bordeaux– institution collégiale administrant la ville – organise des opérations guerrières rassemblant les contingents de plusieurs communes, mobilise des troupes jusque dans l’arrière-pays, accorde renfort et assistance aux places-fortes en difficulté, ou encore participe aux négociations aux côtés des lieutenants anglais. Les jurats, conscients de l’importance que revêt la maîtrise des voies navigables en matière de capacité d’intervention, mettent aussi à contribution les bateliers pour le transport des troupes et du matériel de guerre. C’est ainsi que Bordeaux endosse à plusieurs reprises un rôle majeur dans la défense du duché d’Aquitaine : elle contracte une alliance défensive avec Bourg en juillet 1379 (rapportée dans Le Livre des Bouillons, p. 440, version numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas) ; en 1406 sa flotte communale remporte une grande victoire sur le duc d’Orléans, libérant ainsi les villes assiégées de Blaye et Bourg ; lors d’une campagne militaire menée en mai 1416 William Clifford, connétable de Bordeaux et capitaine des garnisons de Fronsac et La Réole, se place sous l’autorité des jurats afin d’obtenir leur aide (voir les Registres de la Jurade de Bordeaux, t. IV, p. 348, version numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas, p.758).  

 

Blason de la ville de Bordeaux sous l’autorité anglaise

La partie supérieure figure trois léopards, deux pour la Normandie (patrie d’origine des rois d’Angleterre depuis le XIe siècle) et un pour l’Aquitaine. Au centre se trouve une représentation de la Grosse-Cloche, élément ostentatoire de l’hôtel de ville. Les flots de la partie inférieure évoquent la Garonne rehaussée d’un croissant de lune symbolisant le port de la Lune.


Ce blason est un témoignage des éléments qui ont fait la prospérité économique et politique de Bordeaux : la protection des rois d’Angleterre, la puissance de la Jurade et l’accès au fleuve.

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Vitrail provenant de la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose de l’église Saint-Seurin de Bordeaux, Photo J. Gilson, mairie de Bordeaux, Musée d’Aquitaine
Organisés par quartier, les contingents municipaux présentent des troupes assez hétéroclites : en haut de la hiérarchie se trouvent les hommes d’armes, nobles et bourgeois à cheval contraints d’entretenir un harnois (voir les Registres de la Jurade de Bordeaux, t. IV, p. 349, version numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas, p. 759) ; viennent ensuite les arbalétriers gascons et les archers anglais ; et enfin, les combattants les plus humbles encouragés à s’armer et s’équiper comme ils le peuvent (voir les Registres de la Jurade de Bordeaux, t. III, p. 3, version numérisée sur le site de la Bibliothèque Cujas, p. 38). À ces hommes accomplissant le service d’ost (obligatoire mais limité dans le temps et l’espace), la Jurade peut adjoindre des retenues, des compagnies de guerriers rémunérés.