Quel est le contenu des Rôles gascons ? Ces enregistrements de la chancellerie anglaise correspondent à des copies (abrégées) d’actes officiels dont les originaux sont aujourd’hui presque tous perdus. La diversité de leur nature permet d’obtenir de nombreux renseignements quant aux traditions juridiques et à leurs modes de validation. En voici les meilleurs exemples :

  • les chartes royales (carta en latin) : on ne peut plus solennels et luxueux, ces actes émanent directement du roi et concernent des sujets variés tels que des concessions de terres, de tenures, de revenus divers, de privilèges mais aussi leurs confirmations. Ils concernent toujours un individu ou une collectivité particulière (une communauté urbaine, rurale ou monastique par exemple). L’aspect officiel et juridique de la charte est généralement validé par le signum du roi (sa marque, sorte de signature) ainsi que par le grand sceau royal. Malheureusement, les Rôles gascons n’enregistrant que les copies des actes originaux, ces modes de validations n’apparaissent pas. Parfois, une phrase indique néanmoins que le sceau est apposé.
  • les lettres patentes (littere patentes) : portant sur les causes les plus diverses, ces actes ne se distinguent des lettres closes et des chartes royales que par leur forme. En effet, il s’agit de lettres ouvertes à caractère public et universel, munies du grand sceau royal, et dont certaines formules stylistiques diffèrent des autres documents.
  • les lettres closes (littere clause) : comme leur nom l’indique, les lettres closes sont fermées et revêtent donc un caractère confidentiel ne s’adressant qu’à des particuliers. Même si elles abordent des sujets assez divers, on y retrouve souvent des questions d’ordre diplomatique ou politique.
  • les liberate : il s’agit d’ordres de paiement adressés à l’Échiquier ou à une instance comptable (trésoriers, chambriers ou autre agent officiel) tenue de justifier devant l’Échiquier.
  • les contrabrevia : ce sont des sortes de reçus donnés par l’Échiquier à ses agents comptables à la suite d’un ordre de paiement.
  • les lettres de protection : ces actes sont délivrés à des individus convoqués hors de leur pays afin que leurs biens bénéficient d’une protection particulière durant leur absence. Ces déplacements exceptionnels peuvent être exigés en temps de guerre, lors d’une assignation en justice ou lors d’organisations de jury et de commissions d’enquête pour les différentes instances. Ces lettres peuvent être de deux sortes : des lettres simples (littere simplices) qui délivrent ordres de protections et sauf-conduits, et des lettres avec clauses (littere cum clausula) qui contiennent des garanties précises.
  • les lettres d’attournement (littere de attornamentis) : les lettres de protection sont généralement accompagnées des lettres d’attournement. Ces dernières autorisent les personnes convoquées à se faire représenter et désignent les attournés – ou procureurs –, le plus souvent au nombre de deux.
  • les lettres de répit (littere de respectu) : il s’agit de lettres octroyant un délai dans l’acquittement d’une dette (de respectu debitorum) ou dans la comparution en justice (de respectu placitorum). Ces dernières ont été enregistrées avec grand soin par la chancellerie royale car elles suspendaient l’action des magistrats.
  • Les lettres de rémission (littere de perdonatione) : ces lettres de pardon sont accordées aux « félons » s’engageant dans l’armée royale pour la durée de la guerre.

Émanant tout autant du roi d’Angleterre que des institutions royales et ducales, ces documents abordent un panel de sujets suffisamment large pour offrir à l’historien un bon aperçu de l’organisation de la société aquitaine de l’époque. Ainsi apparaissent au fil des membranes des informations essentielles sur les relations diplomatiques internationales et les affaires locales. S’y mélangent des traités de paix ou de trêves, des nominations, des exemptions ou des privilèges accordés aux établissements religieux, aux villes nouvelles (bastides) ou anciennes, des récompenses et compensations allouées aux nobles ou encore des ordres envoyés aux officiers de la couronne en matière militaire, judiciaire ou fiscale. Beaucoup de ces documents dévoilent aussi des données essentielles sur le commerce et l’activité maritime, notamment ceux réglant les privilèges et les conflits. Enfin, l’ensemble des Rôles gascons témoigne parfaitement de la délégation des pouvoirs décentralisés dans un duché séparé du gouvernement royal par une mer dont la traversée reste encore périlleuse…